• Deux Taureaux combattaient à qui posséderait
    Une Génisse avec l'empire.
    Une Grenouille en soupirait.
    "Qu'avez-vous ?"se mit à lui dire
    Quelqu'un du peuple croassant.
    Et ne voyez-vous pas, dit-elle,
    Que la fin de cette querelle
    Sera l'exil de l'un ; que l'autre, le chassant,
    Le fera renoncer aux campagnes fleuries ?
    Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies,
    Viendra dans nos marais régner sur les roseaux,
    Et nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux,
    Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse
    Du combat qu'a causé Madame la Génisse.
    Cette crainte était de bon sens.
    L'un des Taureaux en leur demeure
    S'alla cacher à leurs dépens :
    Il en écrasait vingt par heure.
    Hélas! on voit que de tout temps
    Les petits ont pâti des sottises des grands.

     

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    Maître Corbeau, sur un arbre perché,
    Tenait en son bec un fromage.
    Maître Renard, par l'odeur alléché,
    Lui tint à peu près ce langage :
    "Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau*.
    Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
    Sans mentir, si votre ramage
    Se rapporte à votre plumage,
    Vous êtes le Phénix* des hôtes de ces bois."
    A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
    Et pour montrer sa belle voix,
    Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
    Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
    Apprenez que tout flatteur
    Vit aux dépens de celui qui l'écoute
    :
    Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. "
    Le Corbeau, honteux et confus,
    Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

     

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                                                    La Cigale, ayant chanté
                              Tout l'été,
    Se trouva fort dépourvue
    Quand la bise fut venue :
    Pas un seul petit morceau
    De mouche ou de vermisseau*.
    Elle alla crier famine
    Chez la Fourmi sa voisine,
    La priant de lui prêter
    Quelque grain pour subsister
    Jusqu'à la saison nouvelle.
    Je vous paierai, lui dit-elle,
    Avant l'Oût, foi d'animal,
    Intérêt et principal.
    La Fourmi n'est pas prêteuse :
    C'est là son moindre défaut*.
    Que faisiez-vous au temps chaud ?
    Dit-elle à cette emprunteuse.
    - Nuit et jour à tout venant
    Je chantais, ne vous déplaise.
    - Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
    Eh bien! dansez maintenant.

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                                                   Compère le Renard se mit un jour en frais,  et retint à dîner commère la Cigogne.
    Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts :
    Le galant pour toute besogne,
    Avait un brouet clair ; il vivait chichement.
    Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
    La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;
    Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
    Pour se venger de cette tromperie,
    A quelque temps de là, la Cigogne le prie.
    "Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis
    Je ne fais point cérémonie. "
    A l'heure dite, il courut au logis
    De la Cigogne son hôtesse ;
    Loua très fort la politesse ;
    Trouva le dîner cuit à point :
    Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point.
    Il se réjouissait à l'odeur de la viande
    Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande*.
    On servit, pour l'embarrasser,
    En un vase à long col et d'étroite embouchure.
    Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;
    Mais le museau du sire était d'autre mesure.
    Il lui fallut à jeun retourner au logis,
    Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,
    Serrant la queue, et portant bas l'oreille.
    Trompeurs, c'est pour vous que j'écris :
    Attendez-vous à la pareille.

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